Transcription

Reigns et Le Dilemme du Roi sont deux jeux de prise de décision. Les joueurs incarnent des conseillers qui doivent gérer leur royaume. Mais comme vous le savez sûrement, personne n’est vraiment honnête en ce bas monde, et chaque joueur doit jongler entre l’équilibre du royaume… et ses propres objectifs.

Si je vous présente les choses de cette manière, vous pouvez penser que ce sont les mêmes jeux. Il n’en est rien ! S’ils ont une base et des points communs, ils sont au final très différents.

Univers

Reigns et Le Dilemme du Roi prennent place dans un univers médiéval. Celui de Reigns se base sur le jeu vidéo du même nom, et il est plus orienté fantasy, avec des dragons, et des animaux qui parlent. Le monde du Dilemme du Roi est réaliste et dur. Il se destine à un public mature, alors que Reigns est beaucoup plus léger.

Le monde du Dilemme du Roi est bien développé, et 6 pages lui sont consacrées en fin de livret. On y apprend l’importance de la religion, et la situation d’Anclisse, interne mais aussi externe. Ce n’est pas indispensable de le lire avant la partie, mais cette présentation renforce l’immersion.

Une carte recto/verso est d’ailleurs fournie pour situer les différents lieux.

Avant même la première partie du Dilemme du Roi, chaque joueur doit choisir une Maison. Cette Maison l’accompagne tout au long de la campagne, et influence son jeu. Il existe 12 Maisons différentes, avec chacune ses propres objectifs, et son histoire personnelle. Certaines Maisons ont des valeurs opposées, ce qui renforce les discussions autour de la table.

Gestion du Royaume

Dans les deux cas, nous prenons le rôle de conseillers chargés de gérer le royaume. Dans Reigns, le roi est incarné par l’un des joueurs, alors qu’il est totalement absent du Dilemme du Roi.

Le mode de gouvernement est donc complètement différent, et les conseillers de Reigns ont vraiment un rôle de conseil. Ils doivent anticiper les choix du roi, et faire preuve d’éloquence, mais la décision finale revient au roi seul.

Dans Le Dilemme du Roi, chaque conseiller expose son point de vue, puis un vote à lieu. Il n’est pas égalitaire, mais dépend de l’influence de chacun. En commençant par le Meneur, chaque joueur vote oui, non, ou passe, et pose un certain nombre de jetons. Il est ensuite possible de renforcer son vote oui ou non si son tour revient.

Lorsque la phase s’arrête, le côté qui a le plus de jetons gagne. Les conseillers ont donc un poids très important et influencent directement la prise de décision.

Il est d’ailleurs possible de proposer quelques pièces aux autres joueurs pour influencer encore plus directement les votes.

Les deux royaumes ne sont pas non plus gérés de la même manière, et celui de Reigns semble plus prospère à première vue. Dans Reigns, chaque conseiller vient avec une proposition, et c’est ce qui fait avancer le jeu. Lorsque tout le monde a présenté sa proposition, le roi doit obligatoirement en choisir au moins une.

Dans le Dilemme du Roi, c’est le contraire, et le conseil se contente généralement de subir et de réagir à des événements… qu’il a souvent lui même provoqué par ses décisions précédentes. Le royaume semble donc souvent au bord du gouffre, et son équilibre plus périlleux. Le conseil doit gérer les tensions avec les royaumes voisins, mais aussi les révoltes internes.

Aucun choix n’est bon, et quel que soit le côté vainqueur, il y a toujours des conséquences négatives qui surgiront un jour ou l’autre.

Mais c’est aussi ce qui fait la force du Dilemme du Roi, puisque chaque prise de décision marque véritablement l’Histoire. Dans Reigns, les parties comme les propositions sont toutes indépendantes les unes des autres. Un conseiller peut proposer d’aider les pauvres en leur donnant à manger, et son voisin d’aller combattre un dragon.

Quel que soit le jeu, la prise de décision a des conséquences directes sur l’état du Royaume, et fait bouger des jauges vers le positif ou le négatif.

Ressources

Dans le Dilemme du Roi, nous avons 5 ressources : l’Influence pour le maintien de l’ordre, la Prospérité pour l’argent, le Moral pour le peuple et la religion, le Bien-Être pour la santé, et la Connaissance pour la technologie et la culture. Cette présentation est très sommaire, mais en réalité, chaque ressource englobe toute une série d’éléments.

La stabilité du Royaume est représentée par un jeton qui monte et descend lorsque l’une des ressources se déplace.

Dans Reigns, nous devons gérer 4 ressources : l’Eglise, l’Armée, le Peuple, et les Finances. Ce sont à peu près les mêmes éléments que pour le Dilemme du Roi, mais les ressources sont plus globales. Comme le jeu se base sur l’imagination pour trouver des propositions à soumettre au roi, les joueurs ont donc plus de choix.

La piste du Dilemme du Roi va de 1 à 17, avec un point de départ à 9. Celle de Reigns est plus courte, mais aussi plus visuelle. La montée ou la descente dans le Dilemme du Roi n’est pas pour autant plus lente, puisqu’une ressource peut avancer d’1 à 2 cases supplémentaires selon son état.

Avant même la prise de décision qui conduit au déplacement des ressources, les joueurs savent à peu près ce qui va être impacté. Dans Reigns, le roi a le même niveau d’information que les joueurs du Dilemme du Roi.

Par contre, ses conseillers savent exactement quelles sont les conséquences de leur propre carte en cas de oui ou de non. Lors de son tour, chaque conseiller choisit et place l’une des cartes qu’il a en main. Le verso indique non seulement les conséquences de la carte, mais donne aussi 2 pictos pour guider le joueur dans la manière de présenter sa proposition.

Lorsqu’une carte Dilemme est piochée dans le Dilemme du Roi, les joueurs ne peuvent voir que le recto. Un texte introduit la situation, et les ressources impactées par le oui et le non sont représentées.

Objectifs

Dans le Dilemme du Roi comme dans Reigns, les joueurs ont tous un objectif secret. Enfin, sauf le roi.

Ceux de Reigns sont assez simples, puisqu’ils demandent aux joueurs d’influencer 2 ressources. Si le fond est rouge, c’est en négatif. Et s’il est blanc, c’est en positif. A la fin de la partie, les Conseillers gagnent autant de points que le chiffre qu’ils ont réussi à atteindre sur chaque ressource.

Ils gagnent aussi 1 point pour chaque proposition qui a été acceptée.

Quant au roi, il gagne autant de points que de propositions validées.

Dans le Dilemme du Roi, il n’y a que 6 objectifs différents. Ils sont choisis en début de partie grâce à un système de draft. Les joueurs mélangent les cartes et en retirent une au hasard, sans la regarder. Puis, de celui qui a le moins de Prestige à celui qui en a le plus, chacun choisit un objectif.

Comme dans Reigns, les objectifs donnent des points suivant la position des ressources sur la piste. Par contre, tous les jetons comptent, et les joueurs gagnent des points suivant le nombre de jetons qui se trouvent dans l’intervalle représenté sur le côté droit de la carte.

Les 3 plus riches gagnent des points supplémentaires.

Les objectifs du Dilemme du Roi sont plus personnels que ceux de Reigns, et représentent chacun une attitude différente : extrémisme, rébellion, avarice, opportunisme, modération, opulence. Dans les deux jeux, ils constituent la source principale de points de victoire et orientent leur jeu des conseillers.

Alors que l’objectif de Reigns est pioché au hasard en début de partie, celui du Dilemme du Roi est choisi. Suivant sa Maison, le joueur du Dilemme du Roi a plus ou moins d’affinités avec certains objectifs. A la fin de la partie, il coche la case correspondant à l’objectif qu’il a joué, sous son paravent. Lorsque toutes les cases sont remplies, il gagne la récompense indiquée à côté.

Fin d’un règne

Malgré un univers plus léger, c’est dans Reigns que le roi subit le sort le plus terrible. Si un marqueur atteint l’une des extrémités, il est assassiné et la manche s’arrête immédiatement. Les cartes Proposition non révélées sont défaussées et le joueur qui a causé sa mort doit raconter sa fin tragique.

L’autre possibilité pour finir la manche se déclenche si le roi réussit à valider 12 cartes Proposition. Il abdique alors et part tranquillement à la retraite. Dans ce cas, les conseillers ne gagnent pas les points de leur objectif secret.

Dans le Dilemme du Roi aussi le roi peut abdiquer ou mourir… de vieillesse. Il abdique si le marqueur Stabilité se trouve à l’une des extrémités de la ligne, lorsqu’un Dilemme est résolu. Le fait que le marqueur soit en haut ou en bas de la piste a une incidence sur les points gagnés, puisque le Royaume ne se trouve pas du tout dans le même état. S’il est en haut, tout va bien, trop bien même, et il n’y a plus besoin de roi. S’il est en bas, c’est le contraire, et le système s’effondre.

Lorsqu’un dilemme est résolu, la carte est placée sur la frise du temps. Le roi meurt si la carte doit être placée sur la zone avec une tête de mort, et qu’elle même possède un symbole tête de mort, ou s’il s’agit de la 5ème carte sur cette zone.

Dans Reigns comme dans Le Dilemme du Roi, les parties peuvent donc être très courtes… ou beaucoup plus longues si l’équilibre se maintient.

Conclusion

Reigns et Le Dilemme du Roi peuvent se ressembler sur plusieurs points, mais il se différencie par le public visé et ses mécaniques.

Reigns est un jeu asymétrique léger, qui se base bien plus que le Dilemme du Roi sur la prise de parole et la communication. Même si chaque carte Proposition possède 2 icônes pour aider le joueur, il doit faire preuve d’imagination pour inventer une histoire.

Le jeu ne se prend pas au sérieux, et il faut réussir à entrer dans son univers médiévalo fantasy de science-fiction absurde pour vraiment l’apprécier. Les points deviennent alors secondaires et les propositions à base de concerts de mandolines aliens ou de licornes à sauver fusent.

C’est une très bonne adaptation du jeu vidéo en jeu de plateau, et le rôle du roi est exactement le même que celui du joueur face à son écran.

Le Dilemme du Roi est un jeu sombre et mature, qui met les joueurs face à des décisions difficiles. Il est aussi très immersif, et les décisions donnent souvent lieu à des débats autour de la table. C’est une campagne d’une 15ène de parties, avec un plateau qui évolue et une histoire qui se crée peu à peu. Il demande plus d’implication de la part des joueurs que Reigns, mais il donne vraiment l’impression de vivre une histoire interactive.

Il est plus contraignant que Reigns, et les mêmes joueurs doivent se réunir régulièrement pour arriver au bout de la campagne. Il faut aussi accepter de ne pas savoir comment les points seront comptés à la fin. Nous gagnons du Prestige et de la Convoitise, mais nous ne savons rien de leur utilité.

Seul bémol, les symboles présents sur les cartes Dilemme donnent des indications sur les ressources impactées et peuvent casser l’immersion. Les joueurs sont tiraillés entre l’envie de jouer leur Maison avec ses valeurs, et celle de déplacer les bonnes ressources pour optimiser leurs points. Des protège-cartes et des autocollants permettent de résoudre simplement ce problème.

Pour conclure rapidement, Reigns et Le Dilemme du Roi sont tous les deux de très bons jeux, qui montrent que même avec une base commune, il est possible des choses très différentes.