Welcome nous transporte dans les Etats-Unis des années 50. Les joueurs incarnent des architectes et tentent de créer le plus beau quartier à l’aide de cartes, d’un crayon et d’une feuille.

La petite histoire de Welcome

Benoit Turpin et Anne Heidsieck ont écrit deux articles sur Tric Trac pour parler de la genèse du jeu.

A l’origine, Welcome est un jeu de dés nommé « Hackers ». Le but de Benoit Turpin est de créer un jeu dans lequel les mauvais lancés n’existent pas et ou chaque action est intéressante. Chaque face de dé est caractérisée par une couleur et un symbole qu’il faut combiner pour créer une paire ressource (couleur) + action (symbole).

Le proto tourne au cours de l’année 2014, mais est vite abandonné au profit d’autres protos.

En 2016, « Hackers » revient sous le nom de « Hackers Reborn« . La manière de combiner les dés change légèrement pour offrir un panel d’actions plus large. Benoit Turpin propose son jeu à Alain Balay de Blue Cocker et le modifie de nouveau avant de l’envoyer au Centre National du Jeu de Boulogne-Billancourt.

Alain Balay souhaitant un jeu de cases à cocher thématique, Benoit Turpin retravaille son proto pour lui donner un thème « gratte-ciels ». Le thème change de nouveau un peu plus tard pour devenir celui d’une ville à construire. Les chiffres deviennent des numéros de maisons et les actions permettent de créer des parcs, des piscines, des lotissements, etc.

Les dés finissent par disparaitre au profit de cartes recto-verso, ce permet d’éviter les calculs et qui fait descendre le temps de jeu de 40 à 25 minutes.

Anne Heidsieck s’est beaucoup documentée sur les années 50 : vieux documents administratifs, publicités, vues aériennes de lotissements, etc. Elle a retravaillé tous les éléments pour les intégrer dans le thème et a prêté une attention particulière à l’ergonomie et à la lisibilité de la fiche de jeu.

Le jeu est présenté à Essen 2017 sous son nom définitif et la production est lancée en décembre de la même année.

Les règles du jeu

Règles standards

Mise en place

Chaque joueur prend une fiche de score. Cette feuille représente un quartier en vue aérienne.

Les cartes « travaux » sont mélangées et divisées en 3 piles égales. Ces cartes ont un chiffre de 1 à 15 au recto et une action sous forme d’icône au verso.

Les cartes « objectifs » sont séparées par numéro (1, 2 ou 3) et mélangées séparément. La première carte de chaque tas est posée sur la table, le reste retourne dans la boîte de jeu. Ces cartes représentent différents objectifs à atteindre au cours de la partie.

Déroulement

Chaque tour, les 3 premières cartes travaux sont retournées et placée à côté de leur tas. Il y a donc toujours 3 lots composés d’un numéro et d’une action. Simultanément, chaque joueurs choisit l’un des lots et en applique les effets.

  1. Il inscrit le numéro sur l’une des maisons de sa feuille en respectant les règles suivantes :
    • Les numéros doivent être dans un ordre croissant pour chaque rue
    • Un numéro ne peut pas apparaitre deux fois dans une même rue

    Si le joueur ne peut pas placer de numéro, il coche une case « refus de permis ».

  2. Il peut ensuite, si il le souhaite, réaliser l’action associée.

Ces actions sont :

Les objectifs demandent de valider un certain nombre de lotissement de tailles précises. Le premier joueur à atteindre l’un des objectifs note le score de gauche sur sa feuille, puis retourne la carte. Les autres joueurs à valider cet objectif gagneront le score de droite. Il trace ensuite un trait au dessus de chaque lotissement ayant servi à valider l’objectif : ces lotissements ne pourront pas être utilisé pour valider d’autres objectifs.

Fin de partie

La partie se termine si l’une de ces conditions se vérifie :

  • Un joueur coche 3 « refus de permis »
  • Un joueur remplit ses 3 objectifs
  • Un joueur a rempli tous les numéros de sa feuille

On procède alors au décompte des points, le gagnant étant celui qui en a le plus !

Variante avancée

La variante avancée introduit deux éléments :

  • De nouveaux objectifs
  • Des rond-points, qui permettent de couper une rue en deux et de recommencer une nouvelle série de chiffres. En contrepartie, ils donnent des points négatifs à la fin du jeu.

Variante experte

La variante experte n’apporte pas de nouvelle règle en jeu, mais elle donne un certain contrôle lors de l’ajout de cartes Travaux grâce à un système de draft.

Les cartes sont rassemblée en une pioche. Les joueurs piochent chacun 3 cartes et forment une combinaison avec 2 d’entre elles (numéro + action). Ils inscrivent le résultat sur leur feuille normalement, puis les défaussent.

La carte restante est donnée (face visible) au voisin de droite.

A chaque début de tour, les joueurs piochent 2 cartes, et font de nouveau leur choix en transférant la dernière carte à droite.

Variante solo

La variante solo suit les mêmes règles que le jeu de base à quelques exceptions :

  • Il n’y a plus 3 pioches, mais une seule. La carte « Solo » est mélangée dans la seconde partie de la pioche. Chaque tour, le joueur place les 3 premières cartes devant lui et doit associer un symbole avec un numéro.
  • Si le joueur dévoile la carte « Solo », tous les objectifs sont considérés comme réalisés et les cartes sont retournées.
  • La fin de partie peut aussi arriver si la pioche est vide. Si le joueur a au moins 6 croix intérimaires, il gagne 7 points. Sinon, il ne gagne rien.

L'application

Une application permet de remplacer la fiche de score :

Elle est encore en beta pour le moment, mais a déjà été téléchargée plus de 100 fois.

Le matériel du jeu

La boîte

Couvercle

L’illustration sur la boîte représente deux architectes dans le style « années 50 » : un homme et une femme. L’homme semble être l’assistant de la femme. Il porte une série de plans et de boîtes, tout en tendant des papiers à sa collègue. Celle ci, casque de chantier sur la tête, regarde une feuille. A droite se trouve un théodolite pour mesurer les angles.

Derrière eux, le nom du jeu est mis en scène comme un gros panneau publicitaire. On y retrouve différents éléments des règles, notamment les parcs et les piscines.

Le quartier en construction est présenté sous forme d’esquisses, comme un plan. Comme les numéros qui doivent être inscrits en un ordre croissants, l’état du quartier évolue : du moins avancé (à gauche) au plus avancé (à droite). Les traits de gauche sont en pointillés, des flèches délimitent des hauteurs et les ombres sont à peine esquissées. A droite, les traits sont droits, les ombres plus nettes, et la végétation plus importante.

Seul le nom de l’auteur est inscrit sur le haut de la boite. Il n’y a pas non plus de logo.

Les côtés donnent plus d’informations. On y retrouve différents logos : finaliste au CNJ et Blue Cocker.
Il y a aussi le nombre de joueurs (1-100), l’âge (10+) et le temps (25 min). Les icônes sont personnalisées (les personnages ont un casque et des feuilles dans les mains).

Fond

Les côtés donnent beaucoup d’informations :

  • Une petite biographie de Benoit Turpin
  • Une petite biographie d’Anne Heidsieck
  • Une phrase sur Blue Cocker (« L’éditeur de jeux de société qui a du chien ! ») et un QR code qui mène vers son site web.
  • Des informations sur mes années 50 : science, musique, cinéma, jouets, catastrophes naturelles, etc.

L’arrière de la boîte présente une mise en scène du jeu et une description rapide de son principe. Tout est très visuels, facile à comprendre.

On y retrouve aussi l’auteur, l’illustratrice, l’éditeur, le matériel, un QR code vers l’application, les caractéristiques du jeu, ainsi qu’une punchline en anglais et en français : « Un jeu de dés à cocher … sans dés !« .

Les cartes « travaux »

Les cartes sont recto-verso :

Chaque carte montre une facade de maison. Il s’agit toujours de la même facade, mais avec de légères nuances suivant les numéros. La carte présente avec deux coins soulevés dévoilant l’icône de l’action du verso.

Les éléments sont :

  1. Arrosoire
  2. Cocker
  3. Casque
  4. Raton laveur qui vole une conserve + un buisson plus petit
  5. Gant et batte de baseball
  6. Chat
  7. Oiseau
  8. Chapeau et journal
  9. Drapeau américain
  10. Attrapeur de rêves
  11. Panneau avec une soucoupe volante
  12. Couronne de fleurs sur la porte
  13. Rien
  14. Des fleurs et un papillon sur le buisson
  15. Plaque avec aide américain

L’icone représentant l’action est mise en scène comme si il s’agissait d’une feuille agrafée. Elle a parfois un petit élément en plus comme une tâche ou un morpion.

Les cartes « objectifs »

Les cartes « objectifs » ont 3 couleurs représentant les 3 niveaux. Certaines ont aussi un astérisque et ne sont utilisées que pour la variante avancée. Ces cartes n’ont pas de texte, seulement des icônes et des chiffres. En retournant la carte, les chiffres de droite sont remplacés par un « approved ».

La carte « solo »

La carte « solo » est utilisée dans la variante solo et permet de savoir quand retourner les cartes « objectifs ». Elle est aussi utilisée dans une variante experte.

Les feuilles de score

Le bloc contient une 100ène de fiches. Ces fiches sont uniquement recto.

Au début du jeu, chaque joueur personnalise sa fiche en inscrivant le nom de sa ville en haut à gauche.

Les 2/3 de la feuille sont utilisées pour représenter le plan du quartier. Les maisons sont toutes différentes. La première ligne contient 10 maisons, la seconde 11 et la troisième 12.

A droite, on voit un bout de feuille dépasser. Ce papier semble décrire les aménagements et les règles de construction.

Le bas de la fiche est consacré au scoring. Il est représenté sous la forme d’un papier posée sur le plan.

Il est possible de télécharger des feuilles de score sur le site de Blue Cocker.

Le livre de règles

La couverture reprend l’illustration de la boîte. L’intérieur est présenté comme un dossier composé de plusieurs pages et de feuilles agrafées. La police utilisée rappelle les vieilles machines à écrire.

Le livret est en français jusqu’à la page 12, puis en anglais.

A la page 3, il y a une remarque sur le rôle des femmes et l’utilisation du « un ou une » / « le ou la ». Cette remarque n’est pas reprise dans la version anglaise.

Les aides de jeu

Les aides de jeu sont recto-verso :

Le recto reprend de façon visuelle les différentes actions et les conditions de fin de partie. Il n’y a aucun mot, seulement des icônes.

Une illustration est présente sur le verso. Chaque aide possède une illustration différente. Elles sont toutes en anglais, dans un style « publicité des années 50 ».

  • Meeple War du même éditeur et illustré par Anne Heidsieck. On voit une mère et sa fille en train de jouer, tandis que le père porte un tablier et ramène le goûter.
  • Le cocker aux trousses est fait dans un style « film des années 50 ». Les personnes ayant participé à Wecome sont toutes détournées. Benoit Turpin devient l’auteur du film,  Anne Heidsieck s’occupe de sa colorisation (le technicolor est un procédé inventé vers 1914-1916 pour reproduire les couleurs dans les films), et Blue Cocker le producteur. Le cocker n’est pas bleu, par contre ! Le titre est en français, mais il est précisé qu’il s’agit d’une adaptation du film anglais « Cocker by Cockerwest« 
  • Toulouse welcome back, basé sur Retour vers le futur
  • Blue cocker’s kitchen store, une publicité détournée pour un magasin dans laquelle c’est l’homme et non pas la femme qui fait du shopping.

Le certificat

Un diplôme de Welcome daté de 1953 et signé par Ella T. Grasso (première femme et 83ème gouverneure du  Connecticut entre 1975 et 1980) est présent dans la boîte.

Ce diplôme demande de valider 3 niveaux « d’achievement », un peu comme dans un jeu vidéo. Par exemple, valider 3 plans, ne pas construire de parc, dépasser 100 points, etc. Le papier ressemble à du papier canson.

Mon avis

Welcome est présenté comme un « Roll and Write » sans dés. Il s’agit d’un type de jeu à la mode dont le représentant le plus connu est sans doute Qwixx. Généralement, les joueurs lancent des dés et inscrivent le résultat sur une fiche de score. La Route des Vignes, tout comme Welcome, utilise des cartes à la place des dés.
La principale différence que j’y vois est le nombre fixes d’actions : j’ai tant de cartes qui présente tel symbole. Si j’ai déjà tout dévoilé, je sais que ce symbole ne tombera plus de la partie. A l’inverse, en lançant des dés, la fréquence d’apparition du symbole en question est moins contrôlable.
Welcome, dans ses règles classiques, contrebalance cette tendance, puisqu’il est possible de remélanger le paquet de cartes lorsqu’un objectif est réalisé. Par contre, on retrouve ce principe dans sa variante solo.

Les « Roll and Write » sont souvent de petits jeux légers jouables en une 20ène de minutes. Welcome est l’un des plus complexes de la catégorie : il propose beaucoup d’actions possibles et de stratégies pour gagner. Il reste tout de même très abordable, en grande partie grâce à ses différents niveaux de difficultés : règles de base, variante avancée, variante expert.
Les règles de base sont simples et le jeu prend finalement peu de place. Une fois les actions comprises, il est fluide. Il s’agit d’un jeu dans lequel on s’améliore de partie en partie qui n’a pas de stratégie fixe pour gagner. A la création de ce qui est devenu Welcome, Benoit Turpin voulait un jeu dans lequel toutes les actions soient intéressantes et équilibrées. Pour moi, il a réussi ! On n’est jamais vraiment bloqué (à part si on s’amuse comme un fou avec les numéros bis) et je n’ai jamais eu l’impression de choisir une action par défaut.

Tous les joueurs ont les mêmes cartes et les mêmes informations. Rien n’est caché. Ils font un choix parmi 3, ce qui donne des résultat très différents. A la fin de la partie, aucune ville ne ressemble à une autre.

Le jeu repose sur la notion de choix, que ce soit choisir telle ou telle action ou prendre volontairement des points négatifs. Les actions du prochain tour sont visibles sur les cartes, ce qui permet d’anticiper un peu.

Par contre, il y a peu d’interaction entre les joueurs : seulement les objectifs et intérimaires.
Les objectifs sont une course et seul le premier gagne le nombre maximum de points. Mais si un joueur en termine un, tous les autres peuvent le valider (en gagnant moins de points). Il n’y a pas de bénéfice à être second plutôt que troisième ou quatrième.
Les intérimaires interviennent en fin de partie pour le décompte des points. Ils jouent sur la majorité : celui qui en a le plus gagne 7 points, le second 3 points et le troisième 1 point.
Ce manque d’interaction rend le jeu jouable à peu comme beaucoup, puisque tout est simultané. Je serais curieuse de voir ce qu’il pourrait donner avec un très grand nombre de personnes : est ce qu’on aura plusieurs fois le même quartier ou toutes les fiches seront vraiment différentes ? Une tendance se dégagerait ou non ?

Le jeu est aussi très bon aussi à 2 ou en solo. La variante solitaire représente environ la moitié de mes parties. Le paquet unique qu’on ne peut pas remélanger oblige à penser un peu différemment et à voir Welcome plus comme un casse-tête. Telle stratégie est viable ? Tous les symboles sont sortis ou non ? Est-ce que je peux terminer mon objectif avant la fin du paquet ?

J’adore le style graphique années 50 de Welcome ! Je trouve qu’il colle parfaitement au jeu et ajoute à l’ambiance. Un jeu de « Roll and Write » est, par définition, à la fois mécanique et abstrait. Je ne me sens pas transportée dans les années 50, mais le thème et la manière dont il est traité effacent un peu cette abstraction. Avec des déguisements, des feuilles plus grandes et une certaine mise en scène, je pense qu’on pourrait vraiment avoir impression d’être un architecte en train de gérer un quartier en construction.

L’ergonomie du jeu et la manière de noter les points de victoire est très bonne. On comprend tout de suite ce qu’il faut faire.

Par contre, je trouve les aides de jeu peu lisibles pour une première partie. Elles semblent plus s’adresser à une personne qui connait déjà les règles.

Le jeu, de part ses illustrations, questionne la place des femmes dans la société. Elles retournent totalement les clichées des années 50 en plaçant l’homme dans le rôle de la femme. Je trouve que c’est bien joué, mais je me demande si la note dans le livret (page 3) est vraiment nécessaire. One Deck Dungeon, par exemple, met en scène un groupe de femmes explorant un donjon. Il n’y a pas de message qui en parle et c’est aux joueurs de se faire leur propre réflexion.
Le mot dans Welcome fait un peu penser à une justification. Il n’est d’ailleurs pas présent dans la version anglaise de la règle.
D’un autre côté, One Deck Dungeon a fait l’objet de plusieurs remarques et a créé quelques polémiques sur les forums.

Pour résumer : Welcome est un très bon jeu aux règles simples, mais aux nombreuses possibilités. Si vous cherchez un jeu de type « Roll and Write », c’est l’un des meilleurs choix. Les actions étant multiples, si vous souhaitez un jeu qui s’explique en moins de 5 minutes pour un public qui ne joue jamais, il vaut peut être mieux vous diriger vers un Qwixx. Par contre, si vous avez des joueurs prêts à s’investir un minimum, il sera parfait !