Princess Jing est un jeu de bluff et de stratégie pour 2 joueurs sur le thème de la Cité Interdite. Deux princesses, Jing et Fang, tentent respectivement de rejoindre leur bien aimé en se cachant derrière des paravents.

Pincess Jing est un jeu de Roberto Fraga, illustré par Naïade et édité par Matagot.

L'histoire du jeu

Roberto Fraga parle de l’histoire de Princess Jing dans son carnet d’auteur
(sur Tric Trac : Partie 1 / Partie 2).

L’idée de princesses tentant de s’échapper lui est venue en regardant le clip « Do you remember the time » de Michael Jackson en 1997. Dans cette vidéo, Michael Jackson séduit l’épouse du pharaon et s’enfuit avec elle en se cachant derrière des colonnes.

Le premier prototype d’Akhenaton (l’image vient du carnet d’auteur de Roberto Fraga)

L’idée de déplacer les colonnes lui est venu très vite, tout comme les miroirs.

Il a présenté son prototype (alors appelé Akhenaton) dans de nombreux festivals et a remporté plusieurs prix. Le jeu a toujours beaucoup plût au public, mais aucun éditeur n’a été jusqu’au bout :

  • Hasbro est intéressé et pense à une version Star Wars. Les studios Lucas Films refusent, trouvant le jeu trop proche du Stratego.
  • Roberto Fraga présente son jeu thématisé Papyrus à Jumbo, mais l’éditeur trouve qu’il ne correspond pas à la tranche d’âge visée.
  • Le jeu prend un thème Barbie, puis Harry Potter pour une présentation à Mattel.
  • Roberto Fraga tente une version 4 joueurs, mais elle ne fonctionne pas aussi bien que la version 2 joueurs.
  • Il fait ensuite une version cartes pour la montrer à Cocktail Games.

Le jeu continue d’être présenté à des éditeurs et sorti à des salons sans succès. La critique principale est son coût trop important (dû au matériel) pour un jeu à deux.

En 2014, Hicham de Matagot est intéressé par Akhenaton et lui propose d’étudier l’idée. Il souhaite une version moins coûteuse sur un thème Cité Interdite. Le jeu fonctionne avec ce nouveau matériel et le contrat est signé.

Les règles du jeu

Princess Jing propose deux versions : la règle de base (appelée « Les Princesses en Fugue ») et une règle avancée (appelée « Les Animaux Légendaires »).

Mise en place

Les 25 paravents sont placés sur le plateau.

Chaque joueur prend 1 princesse, 1 servante et 1 porteur de miroir de sa couleur qu’il insère derrière des paravents de la première ligne. Il les mélange et les met de manière à ce que son adversaire ne sache pas ou ils sont exactement.

Le capitaine de la couleur opposée se positionne sur la case du milieu du bord du plateau.

Déroulement

Les joueurs font leurs actions à tour de rôle jusqu’à ce qu’une princesse réussisse à rejoindre le capitaine de sa couleur.

Ces actions sont :

  1. Déplacer un paravent. Soit :
    • Échanger la position de 2 paravents adjacents (diagonales comprises), ou
    • Ramener sa princesse ou son porteur de miroir sur la première ligne.

    Il n’est pas possible de faire à l’inverse le mouvement du joueur précédent.

  2. (facultatif) Désigner un paravent et demander au joueur adverse si sa princesse se trouve derrière.
    • Si la princesse y est : Le joueur qui a lancé l’accusation gagne 1 tour supplémentaire. La princesse revient sur la première ligne.
    • Si la princesse n’y est pas : Le joueur accusé gagne 1 tour supplémentaire.

Fin de partie

Le jeu se termine dès qu’un joueur amène sa princesse devant le capitaine de sa couleur. Il dévoile son paravent et gagne la partie.

Version Avancée

Les règles de la version Avancée sont les mêmes que les règles de bases, mais elle ajoute quelques éléments supplémentaires :

Au début de la partie, chaque joueur prend 1 princesse, 1 servante, 2 porteur de miroir, et 2 animaux (sur 3) au hasard. Les animaux doivent rester secrets pour l’adversaire. Les jetons se répartissent sur les 2 premières lignes (la princesse et la servante doivent obligatoirement se positionner sur la première).

Il n’y a plus 1 capitaine, mais 3. Ils sont placés librement sur au bord du plateau lors de la mise en place.

Pour distinguer le bon capitaine, chaque joueur pioche une tuile « objectif ». Elle indique quel capitaine est le vrai, mais il faut d’abord trouver quels sont les animaux en jeu.

Une nouvelle action est possible : la paralysie foudroyante. Si un joueur sait ou est la princesse adverse et la voit avec l’un de ses miroirs, il peut désigner son paravent crier « Princesse Jing ! ». Il a alors 5 tours pour amener sa princesse au bon capitaine.

  • Si il y parvient, il gagne la partie.
  • Si la princesse n’est pas derrière le paravent ou qu’il n’arrive pas à rejoindre le capitaine en 5 tours, il perd la partie.

La variante ne précise pas ce qu’il arrive si un joueur amène sa princesse devant le mauvais capitaine.

Il est donc possible, soit :

  • De ramener la princesse en première ligne sans contrepartie
  • De ramener la princesse en première ligne en offrant 1 tour supplémentaire à l’adversaire
  • De faire perdre le joueur qui s’est trompé

Le matériel de Princess Jing

La couverture de la boîte de Princess Jing représente un bâtiment traditionnel chinois en gros plan. Le nom du jeu est inscrit par dessus avec une typographie assez lourde. Des dragons sortent de la barre du « p » et du « s ». Les noms de Roberto Fraga (l’auteur) et de Naïade (l’illustrateur) sont notés en dessous du « Jing » et sont entourés par les barres du « j » et du « g » ». Le « i » de « Princess » et le toit du bâtiment ont la même forme que les hauts de paravent.
Le logo de Matagot (l’éditeur) et les caractéristiques du jeu sont présents en bas à gauche de la boîte.

Le bord vert montre que le jeu est classé dans la gamme Famille de Matagot.

L’illustration prend une grande place sur la couverture. On y retrouve les différents éléments du jeu : à gauche, la princesse Jing et à droite son capitaine. Ils sont séparés par une pièce contenant 5 rangées de paravents. La princesse semble pressée et court dans la direction de son amant. Le capitaine n’est pas en mouvement, et donne l’impression d’être en d’attente de réceptionner sa princesse. Chacun tend la main vers l’autre.

Au niveau du ciel, à gauche, on peut apercevoir un personnage masculin. Il est dans les mêmes teintes roses et grises que le décors. Sa main est tendue, comme pour attraper la princesse. Il s’agit probablement de son futur mari ou de l’empereur.

En bas à droite, le renard (l’un des animaux légendaires de la règle avancée) observe le prince. Le héron vole au dessus de lui.

Le bâtiment représente la Cité Interdite de Pékin. La Cité Interdite (classé par l’UNESCO en 1987) est le nom du palais des empereurs chinois des dynasties Ming et Qing. D’après la légende, elle contient 9999 pièces. Elle est ici réduite à une seule pièce, celle des paravents.

Les couleurs de la Cité Interdite sont le rouge (en réalité pourpre) et le jaune. Dans la symbolique chinoise, le pourpre représente l’étoile polaire, le centre de tout. Quand au jaune, il s’agit de la couleur impériale.

Contrairement à la réalité, le bleu est très présent dans Princess Jing. Il symbolise la pureté et la fraicheur, mais aussi la mélancolie. En Chine, ce n’est pas une couleur primaire, mais elle est considérée comme une teinte de vert.
Il existe une couleur entre le bleu et le vert appelée « Qing ».

L’arrière de la boîte présente une vue du jeu, son contexte, et son matériel. La mécanique de Princess Jing est résumée en 3 points : échanger la position de 2 paravents, retrouver les animaux légendaires, faire attention aux miroirs. Le second point concerne la règle avancée.

Le thermoformage à l’intérieur de la boîte est en plastique. Les paravents s’insèrent facilement… jusqu’au 25ème. Chaque espace peut contenir 12 paravents. Il y en a deux. Le seul endroit ou le dernier peut se placer est dans le petit espace du haut.

Le jeu contient 25 paravents. Chaque paravent est composé de 4 parties : le socle est en plastique et les autres éléments en carton décoré. Ces décors représentent des montagnes et de la végétation.
Les peintures chinoises sont traditionnellement classées en 3 catégories :  la peinture de personnages, la peinture de paysage et la peinture de fleurs et d’oiseaux. Certaines oeuvres sont appelées « peintures des lettrés ». Elles associent calligraphie et peinture (au niveau de la touche, par l’ajout de texte, etc.) dans le but d’atteindre à la fois la profondeur et la simplicité.

Le paravent est séparé en deux. On peut donc insérer un personnage de chaque côté. Cette situation n’est pas possible lors de la mise en place, mais le retour d’une princesse ou d’un porteur de miroir peut aboutir à ce genre de chose.

Généralement, un paravent est composé d’un certain nombre de panneaux rectangulaires accrochés les uns aux autres de façon à pouvoir les plier. Ils permettent de séparer une pièce ou de la décorer. À l’origine, ils pouvaient même protéger des démons. Dans Princess Jing, les paravents sont disposés de façon précise dans une pièce spéciale appelée « pièce aux paravents ». Quelle est son utilité ? À quoi servent ces paravents à part cacher des princesses ?

Les bords des paravents semblent plus utilitaires qu’historiques : ils servent à cacher les personnages. Sans eux, ils seraient facilement visibles en se décalant légèrement. L’espace vide en forme de cercle en haut du panneau central permet de jouer avec les miroirs pour y voir la tête de la princesse sous un certain angle.

La princesse Jing est habillée en rouge, tandis que la princesse Fang est en vert. Elles se ressemblent beaucoup et portent des bijoux, signes de leur rang. Les doublures ont une capuche qui cache le haut de leur tête. Seul leur visage est différent.

Les porteurs de miroirs sont identiques ou presque dans chaque équipe. Le miroir se colle avant la première partie.

Les 3 capitaines de chaque couleur sont tous différents et ont tous des caractéristiques précises : gros, maigre, chauve, costaud, etc. Les armes des rouges et des verts sont différentes.

Les personnages ne sont pas identiques des deux côtés. On peut voir leur dos en les retournant.

Chaque joueur pioche au hasard l’une des 3 tuiles objectif si il joue avec la variante des animaux légendaires. Ces tuiles représentent les 3 gardes et leurs gardiens animaux.

  • Le renard symbolise la ruse
  • Le héron symbolise la droiture
  • La chouette symbolise la clairvoyance et la sagesse (c’est elle qui donne des conseils dans le livre de règles)

Le plateau représente la salle des paravents sur son recto. Son verso reprend l’illustration de la couverture.

Les règles sont bien écrites. Elles sont claires et illustrées. La chouette donne des conseils stratégiques intéressants.

Elles sont disponibles en 3 langues.

Mon avis

Ce que l’histoire de Princess Jing nous montre, c’est qu’il s’agit d’un jeu abstrait sur lequel on a collé un thème. L’histoire des deux soeurs qui doivent rejoindre leur prince, mais se dénoncent mutuellement au lieu de s’entraider parait un peu bancale. Au final, une fois la partie commencée, la mécanique et le plaisir de la manipulation prennent le dessus.

Les paravents en 3D sont très beaux. Le matériel et les illustrations nous transportent tout droit dans la Chine des Ming. Je trouve qu’ils apportent beaucoup au jeu et gomment un peu son aspect abstrait. Ils permettent aussi aux personnes qui ont moins l’habitude des jeux de société d’entrer plus facilement dans la partie.

Maladroits, attention : il faut y aller doucement pour ne pas bouger les paravents à côté ou pour ne pas dévoiler ce qui est derrière celui qu’on vient de poser.

Par contre, la boîte est grosse pour un jeu à 2 joueurs d’une 30ène de minutes. Monter et démonter les paravents avant chaque partie aurait été infaisable. Ils logent donc tous montés dans la boîte, ce qui la rend difficilement transportable. Pour l’amener au travail et y jouer pendant la pause de midi, j’ai du démonter les paravents et mettre le tout dans un sac.

Le plateau et la disposition des paravents donnent un peu l’impression d’être devant un échiquier ou un damier. On manipule le destin de personnages et on déplace des pions.

Princess Jing est composé de 2 modes de jeu : un mode de base, et un mode avancé. Le jeu de base est bien pour une première partie et pour appréhender les mécaniques, mais après être passé au mode avancé, il est difficile de revenir en arrière.

  • Mode normal : Le mode normal met l’accent sur le bluff. Les règles sont très simples et peuvent s’expliquer en une ou deux phrases. Il n’y a aucun hasard, tout se joue sur la tactique et la stratégie des joueurs.
  • Mode avancé : Le mode avancé ajoute un peu plus de stratégie et de déduction avec les animaux à retrouver. Le plateau fait toujours la même taille, mais il est plus peuplé : 1 porteur de miroir et 2 animaux supplémentaires par joueur. Il est plus difficile pour la princesse de se cacher.
    Les règles ne sont pas plus compliquées, et elles n’alourdissent pas le jeu. La mécanique reste très épurée. Il faut simplement retrouver le bon capitaine en découvrant qui sont ses animaux totem.
    La paralysie foudroyante permet de finir rapidement la partie en cas de longueur. Il est tout à fait possible de jouer sans ou de ne pas s’en servir, mais elle offre une plus grande liberté et force un peu les joueurs à observer la princesse adverse sans la dénoncer. Cet ajout permet aussi d’éviter un éventuel blocage avec les 2 porteurs de miroir.
    Par contre, les parties sont un peu plus longues. La variante apporte aussi un peu de hasard lors de la mise en place, mais il reste très limité. Nous avons joué avec les objectifs révélés lors de la première partie et c’était une erreur : connaissant le bon prince, il est plus simple d’empêcher la princesse adverse de s’en approcher.
    La règle ne dit pas ce qu’il se passe si le mauvais capitaine est choisi. Suivant les joueurs, on choisit de ramener la princesse (avec 1 tour supplémentaire pour l’autre joueur) ou de faire perdre immédiatement le joueur qui s’est trompé. Ramener la princesse est moins punitif, mais pousse à tenter sa chance avec seulement un animal. La défaite force à récupérer les informations avant d’essayer.

Les joueurs doivent faire attention à leurs propres mouvements pour ne pas dévoiler trop d’informations ou pour induire leur adversaire en erreur. L’une des astuces est de bouger des paravents vides pour faire croire que la princesse s’y trouve. Si l’autre joueur déplace souvent le même, il peut aussi s’agir de sa princesse ou de son porteur de miroir.

La mécanique du miroir est très intéressante. Les joueurs doivent regarder plus ou moins discrètement à travers pour trouver les personnages de leur adversaire. Par défaut, on n’a que les pieds et il faut se pencher pour voir sa tête et distinguer la vraie princesse de la fausse.

Au niveau tactique, il peut être intéressant d’attendre un peu avant d’annoncer à un joueur adverse l’endroit ou se trouve sa princesse. En sachant exactement à quel endroit elle est placée, il est plus simple de suivre ses mouvements. Il sera toujours temps de la ramener à son point de départ plus tard ! Une telle stratégie demande tout de même de rester attentif au mouvement des paravents pour ne pas la perdre.

Quelle peut être la rejouabilité d’un tel jeu ? La mise en place ne change pas (ou presque) d’une partie à l’autre. La seule chose qui varie sont les tuiles capitaine et les animaux en mode avancé. C’est peu, mais ce sont surtout les joueurs qui font la partie. Princess Jing se joue rapidement, occupe une 20ène de minutes et peut même rester en place entre deux parties. De par son matériel, le jeu se joue et s’expose. On peut passer devant, faire une partie, et y revenir plus tard. Princess Jing n’est pas le genre de jeu qu’on sort pour toute une soirée, et ce n’est pas son objectif.

Sa simplicité et sa beauté en font une très belle porte d’entrée dans le monde ludique.

Je me pose juste une petite question… pourquoi « Princess Jing » alors qu’il y a deux princesses ? Pourquoi la pauvre princess Fang est mise de côté ?