Le hasard est présent à différents degrés dans presque tous les jeux de société. Pour certains, il se limite à la mise en place du plateau, alors que pour d’autres il fait partie intégrante du jeu.
Le hasard dans les jeux de société
Le hasard constitue souvent de très bons souvenirs de parties. Je pense que tout le monde ou presque peut parler d’un jet de dés qui a tout renversé. Pour ma part, je me souviens d’une partie de Pandémie le Remède avec 5 dés « contagion » !
Adaptation et calculs
Il serait facile d’opposer jeu avec hasard à jeu sans hasard en disant que ces derniers sont plus complexes et s’adressent à des joueurs « avertis ». Ce n’est pas forcément le cas, le hasard ne rendant pas toujours un jeu moins calculatoire. Il le rend plus chaotique, oui, mais oblige aussi à s’adapter. Il ne s’agit plus de trouver une stratégie à suivre en ligne droite, mais d’envisager plusieurs éventualités et de savoir rebondir dessus.
Dans Dead of Winter, quand un personnage se déplace, il lance le dé « risque » et peut se faire tuer. Les joueurs doivent donc utiliser des personnages adaptés ou défausser une carte « carburant ». Ils peuvent aussi réfléchir aux probabilités et se dire qu’à 1 chance sur 12, ça devrait passer. Parallèlement, ils peuvent aller dans une zone déserte pour n’infecter personne en cas de problème.
La mécanique du hasard fait partie intégrante de Miniville. A leur tour, les joueurs lancent un ou deux dés et appliquent l’effet du numéro. Cet effet peut être positif, négatif ou neutre, et ne profiter qu’à soi ou à certains joueurs. Il peut même se multiplier suivant le nombre de cartes ayant le numéro qui sort. Il est donc important de réfléchir aux probabilités et à la fréquence qu’ont tel ou tel chiffre de tomber.
Le contrôle du hasard
Beaucoup de jeux de hasard ajoutent aussi divers moyens de le contrôler, comme la relance de certains dés ou l’échange de cartes.
Dans Magic, par exemple, les joueurs peuvent défausser leur main de départ pour en repiocher une nouvelle avec une carte de moins. Dans Bang le jeu de dés, ils mettent certains dés de côté et relancent les autres.
Mysterium laisse la possibilité au fantôme de défausser sa main et de piocher 7 nouvelles cartes. Suivant le degré de difficulté, il peut le faire tous les tours, trois fois par partie ou une seule.
Arctic Scavenger est un jeu de deckbuiling qui laisse deux possibilités au joueur pour récupérer de nouvelles cartes : les choisir dans l’une des piles face visible ou les piocher dans une pile face cachée. Dans un cas, il sait ce qu’il a. Dans l’autre, il récupère un certain nombre de cartes (suivant ce qu’il a joué) et en choisit 0 ou 1. Puis il place le reste au fond de la pile.
De même, les joueurs se battent chaque tour pour une carte généralement plus puissante, mais seul le premier joueur la connait.
Dans Zombies : la Blonde, la Brute et le Truant, les zombies arrivent chaque tour sur des cases définies par un jet de dé. Seul le joueur contrôlant le poste de sécurité connait leur futur position et peut donc adapter son déplacement. L’élection du chef de la sécurité est donc l’un des moments importants du jeu.
Le hasard facteur de stress
Le hasard fait sortir de sa zone de confort et constitue une prise de risque pour les joueurs. Il peut être facteur de stress ou de pression.
Qwixx est une sorte de bingo. Chaque tour, le joueur actif lance un certain nombre de dés et coche une ou deux cases sur sa feuille. Ces cases correspondent à l’addition de dés blancs et/ou colorés. Si il ne peut pas jouer, il doit cocher une case lui donnant -5 points de victoire en fin de partie. Ce moment donne souvent lieu à plusieurs comptages pour s’assurer de l’impossibilité de jouer autre chose.
Dans Zombie 15, les joueurs ont 15 minutes pour finir l’un des scénarios du livret. Une bande son annonce de nouveaux zombies toutes les minutes. Le jeu est donc déjà stressant par lui même, mais le nombre de ces nouveaux zombies dépend d’une pile de cartes. Ils peuvent aller de 1 à … beaucoup !
Hasard et rejouabilité
Le hasard permet de renouveler un jeu et d’augmenter sa durée de vie. Les parties se suivent sans se ressembler, même si le groupe de joueurs ne change pas. Il suffit parfois d’une mise en place ou d’un tirage de cartes différents pour changer complètement de stratégie.
Suivant les dés qui tombent au début d’une manche de Blueprint et la fréquence de tel ou tel matériau, les joueurs vont partir dans des directions totalement différentes. Ils peuvent choisir de construire une tour très haute, de suivre leur schéma, de remporter certaines cartes « objectif », etc.
Dans Crôa, la zone de jeu est composé de tuiles face cachée posées au hasard. Quand une grenouille se déplace, on retourne la tuile et on applique son effet. La partie peut donc devenir très courte si trop de brochets sont à proximité, simple si des mâles sont proches ou difficile si des nénuphars forment une autoroute jusqu’à sa reine.
Équilibrer les chances de chacun
A partir d’un certain degré, le hasard nivelle le niveau des joueurs et permet à différents typologies ou niveaux de joueurs de s’affronter sans frustration. Il équilibre les chances de chacun, notamment pour les jeux familiaux qui doivent réunir plusieurs générations autour de la table.
Il plait d’ailleurs souvent beaucoup à ceux qui ont moins l’habitude des jeux de société.
Il facilite la défaite, les perdants ayant moins la sensation d’être inférieur. Qui n’a jamais entendu ou dit « bah, j’avais pas de chance ! » ?
Les jeux sans hasard
Quand je parle de jeux sans hasard, je mets de côté ceux qui ont à la mise en place. Ici, il s’agit de jeux sans aucun hasard. Rien. Nada !
Je les ai classé en trois types :
- Des jeux de dextérité
- Des jeux de « parole »
- Des jeux de réflexion/déduction et/ou bluff
Les jeux de dexterité
J’ai parlé du mécanisme d’adresse dans un autre article. Pour résumer, il s’agit de jeux qui consistent à placer un objet à un endroit précis. Ces jeux demandent une coordination des mouvements et une certaine dextérité.
De par leur définition même, les jeux de dextérité ne font pas appel au hasard, mais aux capacités physiques des joueurs. Les quilles du Mölkky sont ainsi toujours placées suivant un schéma précis.
Il existe tout de même des jeux d’adresse qui ont une part de hasard, comme Dungeon Fighter (cartes et mise en place du donjon) ou Oss (cartes), mais je pense que c’est la catégorie qui en contient le moins.
Les jeux de « parole »
Ces jeux sont particuliers, puisqu’ils font appel aux capacités oratoires des joueurs. Ils doivent se tenter de tromper les autres grâce à la parole. Mafia de Cuba, par exemple, met en scène un groupe de mafieux dont certains membres tentent de voler le parrain. Il possède une certaine part de réflexion, mais il faut également savoir se défendre et accuser l’autre.
La catégorie fourre-tout avec des jeux de déduction, réflexion et bluff
Cette catégorie contient tous les jeux de réflexion abstraits anciens et récents, comme les échecs, les dames, le go, Mastermind, Yōkaï no mori, etc. Vous noterez qu’il ne s’agit que de jeux d’affrontement en 1 contre 1 dans lequel chacun doit faire preuve de la meilleure stratégie. Les coups se prévoient souvent à l’avance et suivent des schémas bien précis : telle ouverture, tel mouvement.
Elle contient aussi certains jeux de déduction comme Lettres de Whitechapel et Sherlock Holmes détective conseil. Très différents, ils ne contiennent pourtant aucune part de hasard. Lettres de Whitechapel est un jeu asymétrique dans lequel un joueur doit échapper aux autres. Il possède une plus ou moins grande part de bluff suivant la manière de jouer de celui qui incarne Jack. Sherlock Holmes détective conseil est une sorte de livre dont vous êtes le héros dans l’univers du célèbre détective. Les enquêtes sont à usage unique et font appel aux capacités de déduction et de choix des joueurs. Et c’est dont il s’agit dans les deux cas : le hasard laisse place au choix encadré. On pourrait presque comparer ce type de jeu aux jeux vidéos à monde ouvert qui laissent l’opportunité au joueur de visiter toute une ville … jusqu’aux murs (invisibles). Ces jeux donnent une impression de liberté aux joueurs.
Les jeux de pur bluff peuvent aussi être dépourvus de hasard, comme Braverats. Chaque joueur possède le mêmes set de cartes en main et doit les jouer en réfléchissant bien à ses choix. La victoire repose sur la réflexion et la tromperie. Ces jeux n’ont pas besoin d’être symétriques, comme Mange moi si tu peux dont le hasard se limite à la distribution des rôles au début. Ensuite, c’est l’un des joueurs qui s’en charge.
Le hasard comme moteur de jeu
Il existe un type de jeu qui s’appuie sur le hasard et la chance : le « stop ou encore« , « quitte ou double« , ou « press your luck » en anglais. Boardgamegeek en compte 1334.
Dans ces jeux, les joueurs font une action répétitive qu’ils peuvent arrêter quand ils veulent. Mais plus ils continuent, plus les gains sont élevés. A l’inverse, les chances d’échouer sont de plus en plus grandes.
Il faut donc trouver le meilleur compromis entre un gain faible mais sûr, et un gain important mais risqué.
Zombie Dice en est un bon exemple. Les joueurs incarnent des zombies affamés qui lancent des dés pour se nourrir. Une face « cerveau » vaut 1 point, une face « pieds » ne vaut rien et une face « explosion » donne 1 dégât. A l’inverse du pieds, une explosion ne peut jamais être relancée et si un joueur en cumule 3, il perd tous ses points du tour. Le nombre de chaque type sur un dé dépend de sa couleur.
Dans Broom Service, les joueurs ont le choix entre être « lâche » ou « courageuse ». Ils annoncent tour à tour leur décision si ils ont décidé de choisir la même carte. Un lâche ne gagne pas grand chose, mais assure son gain. Si un joueur décide d’être courageux, il gagne gros ! Mais il ne gagne rien si un autre joueur se déclare courageux après lui. Le hasard, bien que moins important, est tout de même présent.
3 réponses à “Le hasard dans les jeux de société”
Bonjour!
Je découvre ton blog avec beaucoup de plaisir. Sacrés articles !
Pour le hasard, je voulais ajouter que dans ses intérêts principaux, il y a 1) dédramatiser la défaite : si je gagne c’est que je suis fort, mais si je perds c’est juste que je n’ai pas eu de chance (alors je rejoue!) et 2) de permettre une grande rejouabilité (on peut tous enchaîner 15 parties de tarots, mais combien de parties d’échecs ou de dames avant de se lasser ?)
Je m’excuse si tu as mentionné ces aspects dans ton article et que je l’ai mal lu !
Non non, c’est intéressant et ça complète mon article. En cas de défaite, on a toujours envie d’accuser quelqu’un et le hasard fait un bon candidat !
je peut enchaîner 30 parties d’échecs , et 1 seule de tarot me semble déjà débile